France: Eqiom mis en cause pour avoir sous-traité un chantier « bas carbone » à des conditions de travail indécentes, avec co. de l'entreprise

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" K6, le « chantier modèle » de la décarbonation qui carbure aux travailleurs chinois" 22 mai 2025
Selon une enquête de l'humanité, pour réduire les émissions de CO2 de sa cimenterie de Lumbres (Pas-de-Calais), Eqiom a sous-traité la construction d’un four bas carbone à l’entreprise d’État chinoise CBMI, qui emploie 250 travailleurs chinois travaillant 12 heures par jour, six jours sur sept, hébergés dans des conditions précaires. Des violations manifestes du droit du travail qui viennent entacher ce « chantier modèle » de la décarbonation, subventionné par plus de 200 millions d’euros d’argent public. [...] Le projet K6 vise à remplacer les deux fours datant des années 1970, alimentés en énergie fossile par une nouvelle ligne de production de clinker fonctionnant à l’aide de combustibles « alternatifs » : des déchets, du biogaz et du gaz naturel permettant de réduire sensiblement les émissions de CO2 de la cimenterie. Un investissement chiffré à plus de 200 millions d’euros.
Pour construire son nouveau four, Eqiom a fait appel à l’allemand IKN, qui sous-traite le chantier à l’entreprise d’État chinoise CBMI. Selon nos informations, c’est bien le prix proposé qui a été déterminant pour choisir le duo IKN-CBMI au détriment de leurs concurrents européens. Ces entreprises étaient pourtant présentées par le cimentier comme les seules au monde capables de construire un tel ouvrage. Mais l’offre germano-chinoise bénéficiait surtout d’un avantage certain : une main-d’œuvre qualifiée à un prix défiant toute concurrence. Le contrat de transition écologique signé par Eqiom avec l’État « n’a pas vocation à encadrer les conditions de travail des éventuels sous-traitants du projet », nous précise le ministère de l’Industrie. À Lumbres, pas de trace d’IKN. Ce sont 250 ouvriers, manœuvres et contremaîtres originaires du sud de la Chine qui ont débarqué dans le Pas-de-Calais fin 2024. Leur mission : construire le four bas carbone en deux ans. Un délai serré, car Eqiom vise une mise en service dès 2026.[...]
Sur le chantier d’Eqiom, les travailleurs chinois turbinent six jours sur sept, à raison de 12 heures par jour, une déclinaison du « système 996 » (de 9 heures à 21 heures, six jours par semaine), pourtant interdit théoriquement dans le droit du travail local. À Lumbres, du lundi au samedi, les ouvriers embauchent à 6 h 30 et terminent leur tâche aux alentours de 18 h 30. Une vie de forçat, encadrée par CBMI dans tous les instants de la vie. Interrogés sur ces amplitudes horaires, ainsi que sur le montant des rémunérations de ces ouvriers, ni Eqiom, ni CBMI n’ont répondu à l’Humanité. L’entreprise chinoise s’est elle-même chargée de loger ses ouvriers aux environs de l’usine. Ses cadres et ses contremaîtres ont pris leurs quartiers au moulin de Mombreux, un hôtel-restaurant bucolique à la sortie de la ville. Les ouvriers, eux, sont relégués dans deux campings à une quinzaine de kilomètres du chantier, sur les communes d’Arques et d’Audinchtun. [...]
Contacté, Eqiom affirme que « le chantier est réalisé en totale conformité avec le droit français et les valeurs de notre entreprise. »