Madagascar: Quand Chanel tente de concilier l'exploitation minière artisanale et les aires protégées pour un approvisionnement responsable en or
"À la recherche d’or « responsable », Chanel s’est tournée vers une aire protégée à Madagascar", 19 mars 2025
Deux ans plus tard, ce coin de Madagascar a fait l’objet d’un projet d’extraction d’or mené par un acteur bien au-delà des rivages malgaches : le géant français du luxe Chanel.
Le plan était d’acheter de l’or auprès d’orpailleurs travaillant dans Loky-Manambato...l’initiative est qualifiée d’approche « innovante » pour s’approvisionner en or dans des « zones délicates sur le plan environnemental ». La zone était un morceau de Loky-Manambato de 500 km², soit un cinquième de l’aire protégée...
Chanel...[suggère] que Loky-Manambato était l’un des « projets de recherche » entrepris « pour étudier la possibilité de mettre en place de nouvelles chaînes d’approvisionnement, en accord avec les principes éthiques, sociaux et environnementaux qu’elle défend »...
En 2020, le gouvernement malgache a interdit l’exportation de l’or. Bien que Chanel affirme ne jamais s’être réellement approvisionné en or à Loky-Manambato, les défenseurs de l’environnement estiment que la tentative d’une multinationale de faire d’une aire protégée le point de départ de sa chaîne d’approvisionnement mondiale soulève de sérieuses questions sur ce que l’on peut qualifier d’approvisionnement « responsable »...
En 2019...Chanel...a collaboré avec Fanamby, une ONG de protection de l’environnement malgache, afin de lancer le projet « Assurer la coexistence de l’exploitation minière artisanale et des aires protégées pour un approvisionnement responsable en or »...
Il devait s’agir d’un dispositif sur trois ans visant à formaliser l’orpaillage dans l’aire protégée de Loky-Manambato. Fanamby, qui est responsable de sa gestion, a aidé à créer 13 associations de mineurs. L’objectif était d’y intégrer un millier d’orpailleurs et de contrôler ainsi leur activité. L’ONG a également facilité la délivrance de cartes d’identité aux mineurs résidents.
« Nous avons mené des projets avec Chanel », indique Nicolas Salo, responsable du paysage de Loky-Manambato chez Fanamby. « Comme Chanel apprécie les structures formalisées, nous avons créé les associations. [La société], pour sa part, suivait la mise en œuvre des activités. »
Chanel s’est également engagée à acheter l’or. La vente devait être facilitée, elle aussi, par Fanamby, qui proposait de construire un centre de collecte d’or à Daraina...
Loky-Manambato rentre pour sa part dans la catégorie V et est désignée comme « Paysage harmonieux protégé ». Ce type de réserves cherche à répondre aux besoins des communautés qui étaient présentes avant qu’elles ne soient désignées comme aires protégées. Il s’agit également de reconnaître le mouvement croissant en faveur de l’abandon des modèles de conservation-forteresse qui excluent les communautés des projets de conservation. Ce détail crucial explique pourquoi Chanel a choisi Loky-Manambato pour tester cette approche...
Les lignes directrices de l’UICN concernant les aires protégées n’interdisent pas explicitement l’exploitation minière dans les zones de catégorie V. La loi malgache, elle non plus, ne l’interdit pas. En réalité, elle va jusqu’à l’autoriser dans certaines zones spécialement désignées...
Fanamby n’a finalement pas construit son centre de collecte à Daraina. Pas une paillette d’or n’a été vendue dans le cadre du projet Loky-Manambato. En effet, le gouvernement malgache a suspendu l’exportation de l’or en septembre 2020 afin de contrer le trafic illégal...
« Il y a un risque que ce projet soit utilisé pour extraire de l’or à bas coût depuis une aire protégée, » explique M. Hardcastle, de l’UICN. « Même s’ils affirment qu’il s’agit uniquement d’exploitation artisanale, l’incitation pour les mineurs sera toujours d’extraire davantage, car cela rapporte plus. »
Il met en garde contre un possible « cheval de Troie » : « Ils présentent cela comme une exploitation artisanale qui offre un moyen de subsistance durable, mais c’est peut-être juste une autre façon de pratiquer une activité extractive commerciale au sein de l’aire protégée. Il se pourrait qu’en acceptant ce projet, on ouvre soudainement toutes les aires protégées à ce type d’exploitation. »...