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Article d'opinion

29 Déc 2018

Auteur:
Aliou Diouf, Francophone Africa Researcher & Representative, BHRRC

Nous avons besoin de changer la gestion des ressources naturelles en République Démocratique du Congo

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« Mon pays est systématiquement pillé avec la complicité des gens qui prétendent être nos dirigeants. Pillé pour leur pouvoir, leur richesse et leur gloire. Pillé aux dépens de millions d’hommes, de femmes et d’enfants innocents abandonnés dans une misère extrême…tandis que les bénéfices de nos minerais finissent sur les comptes opaques d’une oligarchie prédatrice ».

Ces mots très forts, prononcés par le Dr congolais Denis Mukwege lors du Prix Nobel de la Paix, résument la situation en République démocratique du Congo (RDC).

La RDC est l’un des pays africains les plus riches en ressources naturelles. On trouve dans le sous-sol congolais du cuivre, du cobalt, du zinc, du coltan, de la cassitérite, de l’or, de la bauxite, du diamant, du pétrole, du gaz, etc. Pourtant, la RDC est aussi l’un des pays les plus pauvres du monde car le peuple congolais bénéficie peu de ces immenses ressources naturelles qui sont pourtant exploitées depuis des décennies.

Il est temps que cette situation change. Les ressources naturelles appartiennent au peuple congolais qui a le droit inaliénable d’en profiter. Les élections générales du 30 décembre devraient créer le déclic et cette rupture tant attendue dans la manière de gérer les richesses du pays.                  

Des ressources naturelles mal gérées et une population désabusée

A l’instar de la plupart des pays africains dotés de nombreuses richesses naturelles, la RDC éprouve beaucoup de difficultés à bien gérer ses immenses ressources naturelles, notamment dans le secteur extractif. Aujourd’hui, ce secteur souffre de tous les maux : opacité, malversations, fraudes, corruption, etc. Des multinationales peu scrupuleuses, une petite minorité élitiste et des groupes armés s’enrichissent au détriment de la population.

La convoitise des ressources naturelles attise également les conflits, crée des zones d’insécurité notamment à l’Est du pays et se traduit aussi sur le terrain par les nombreux abus et violences que subissent les communautés locales.

La pollution, les expropriations, les relocalisations, mais aussi le travail des enfants et la répression par les forces de l’ordre rythment très souvent les activités de ces entreprises. Les actions ou initiatives positives développées par certaines entreprises dans le cadre de la responsabilité sociétale d’entreprise sont certes utiles mais elles sont loin de satisfaire les attentes des populations.  

Cette mauvaise gestion des industries extractives du Congo est dénoncée depuis des années. Ainsi, Global Witness révélait que plus de 750 millions de dollars de recettes minières versés par des entreprises à des organismes étatiques congolais avaient échappé au Trésor public entre 2013 et 2015.

Un autre rapport a récemment mis en évidence l’existence de la corruption et des violations des droits de l’homme dans le cadre de l’exploitation du cobalt. La Gécamines a nié toutes ces allégations dans un nouveau rapport.

Les relations opaques que certaines entreprises, comme Och-Ziff et Glencore, entretiennent avec Dan Gertler ont aussi été révélé en août dernier par Global Witness déclarant qu’il avait  reçu et distribué des millions de dollars de pots de vin à l'occasion de transactions minières au Congo.

Mais Gertler a systématiquement nié bien qu’il ait été sanctionné par les Etats-Unis pour des pratiques de corruption dans des transactions minières et pétrolières en RDC.

Enfin, malgré les progrès de la traçabilité des minerais, certains éléments des Forces armées (FARDC) et des groupes armés sont toujours impliqués dans le trafic des minerais, notamment l’or.

Il y a aussi la question des flux financiers illicites qui ont un lien direct avec les conflits et l’exploitation illégale des ressources naturelles. Enfin, on pourrait aussi mentionner les abus commis par l’industrie forestière et les atteintes à l’environnement, notamment avec la volonté des autorités d’exploiter le pétrole dans le parc national des Virunga malgré l’opposition de la société civile.

Dans tout cela, c’est la population congolaise qui se voit désabusée puisque c’est elle qui, in fine, subit les nombreux impacts sociaux et environnementaux des entreprises.

Pour un changement de paradigme dans la gestion des ressources naturelles

Ce changement doit se traduire par une forte volonté politique de gérer de manière transparente et durable le secteur minier pour le bénéfice de toute la population congolaise dans le respect des droits de l’homme et de l’environnement. Une telle politique exige aussi un comportement responsable de tous les acteurs du secteur, en particulier les décideurs politiques et les entreprises. Aussi, nous recommandons ce qui suit : 

► aux autorités congolaises actuelles et à venir de :

♦ Mieux lutter contre la corruption notamment dans le secteur minier ;

♦ Faire appliquer correctement le nouveau code minier ;

♦ Poursuivre les efforts visant à intégrer pleinement l’ITIE ;

♦ Répartir de manière plus équitable les revenus tirés des ressources naturelles ; 

♦ Assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme ;

♦ Mettre fin à l’impunité, notamment celle des abus impliquant des entreprises. 

► aux entreprises notamment minières, pétrolières et gazières de :

♦ Respecter le code miner et les textes réglementaires pertinents ;

♦ Se conformer aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et aux autres principes et standards internationaux pertinents ;

♦ Avoir une politique en matière de droits de l’homme et des mécanismes de recours effectifs pour les communautés impactées ;

♦ S’engager formellement à respecter les défenseurs des droits de l’homme et à dénoncer les attaques contre eux et le rétrécissement de l’espace public ;   

Soutenir les efforts des autorités visant à augmenter la transparence dans le secteur des industries extractives ainsi que les efforts dans la lutte contre la corruption ;

♦ Avoir des politiques de Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) solides en faveur des communautés.        

Les élections du 30 décembre constituent une opportunité unique pour plaidoyer en faveur de ce changement radical dans la manière de gérer les ressources naturelles du pays.

Mais pour cela, il faut que les entreprises jouent le jeu et que le pays soit dirigé par quelqu’un capable de bâtir un État où le gouvernement sera au service de sa population, pour paraphraser le Prix Nobel de la Paix, le Docteur Denis Mukwege.

Aliou Diouf est chercheur et représentant de l'Afrique francophone pour le BHRRC.

Une version de cet article a été publiée pour la première fois dans La Tribune Afrique le 26 décembre.

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