L’administration publique en RDC est-elle au cœur des indemnisations injustes aux délocalisées de Lualaba ?
Après un lourd bilan humain — 11 morts et plusieurs malades — suite aux pollutions répétées de l’air et de la rivière qu’il longe, le village Kabombwa a définitivement disparu. Plus de 1 000 habitants ont trouvé chacun un logement ailleurs dans la région, notamment dans la cité de Fungurume voisine, au Lualaba. Kabombwa a perdu sa quiétude dès le démarrage en 2020 de la production de la chaux dans une usine installée à proximité par la société chinoise Tenke Fungurume Mining (TFM).
A leur délocalisation, après plus d’une année de discussions sur les compensations financières, les habitants de Kabombwa ont reçu de l’administration publique entre 3 000 USD et 5 000 USD, d’après un agent de la mairie de Fungurume. Selon les habitants du village, le montant est bien insuffisant. Avec l’argent perçu, ils ne peuvent pas se payer une maison ou en construire de nouvelles dans leur nouveau milieu de vie.
Quelle est l’une des raisons de ce montant insuffisant ? C’est l’administration publique, réclament les membres de la société civile. A l’initiative du gouvernement provincial du Lualaba, la commission de délocalisations reçoit une portion de l’argent dû aux personnes délocalisées. La société, elle, se lave les mains pratiquement de toute responsabilité, laissant à l’administration de gérer la compensation des populations affectées.
C’est un cas qui se répète pour les délocalisations minières au Lualaba, province pourvue d’importants gisements de cuivre et de cobalt, des minéraux indispensables pour la transition énergétique. En raison de la ruée vers ces minéraux précieux, les habitants des environs craignent, non seulement une délocalisation, mais également une délocalisation injuste.
Aux cités Gécamines et Musonoïe à Kolwezi, la capitale du Lualaba, par exemple, une mine de la société publique Gécamines (Générale des carrières et des mines) et de la Compagnie minière chinoise de Musonoïe (COMMUS) s’est dangereusement approchée des habitations et en a détérioré plusieurs. D’après Patrick Ilunga, l’avocat de COMMUS, les 209 candidats à la délocalisation ont perçu une « moyenne de 80 000 USD ». De plus, certains délocalisés ont jugé la compensation insuffisante et réclament plus.
Comment les populations reçoivent-elles cette somme ? Il suffit de suivre le processus de compensation dans la province. Elle commence par une évaluation faite par la commission de délocalisation, qui fixe la valeur des biens des délocalisées. Cette commission est constituée des membres du gouvernent, des députés, de la société civile et des techniciens du foncier. Après l’évaluation, l’entreprise effectue des paiements : aujourd’hui elle effectue des virements bancaires vers les comptes des propriétaires des droits fonciers délocalisés. Il y a quelques années, les bénéficiaires percevaient de l’argent liquide.
Par contre, la commission des délocalisations, quant à elle, reçoit 10% du coût total des paiements à effectuer aux personnes délocalisées. Ceci est pour son fonctionnement et la rémunération de ses membres, a expliqué à Mongabay Jean-Pierre Kalenga, le membre du gouvernement du Lualaba, qui préside cette commission.
Il y a donc un manque de 10% du total de la somme, qui reste à distribuer aux délocalisés. Dans ces circonstances, les sociétés privées se déchargent de toute responsabilité lorsque les communautés parlent d’une compensation injuste. Or, elles ont versé 10% des fonds aux techniciens de la commission sur le montant de ces derniers.
Il s’en suit que ce sont les candidats à la délocalisation, qui financent l’expertise devant conduire à leur délocalisation, dit Kalenga...
Un autre problème, c’est que les entreprises continuent à délocaliser sans plan de réinstallation. Pour Lambert Menda, leader de la Nouvelle société civile du Congo, cet inconfort vient de l’habitude pour les candidats à la délocalisation « à percevoir de l’argent liquide plutôt que d’être relocalisés ». Il reconnaît toutefois que certaines victimes demandent leur réinstallation ailleurs, comme l’a fait l’entreprise Metalkol pour des habitants du village Samukonga. Mais cette option de réinstallation organisée par les miniers ne contente pas certaines victimes, qui déplorent de longues durées d’attente.
Par exemple, aux villages Tshabula, près de la cité de Musonoïe à Kolwezi, et Kakanda dans les environs de la cité de Fungurume, des paysans attendent leurs délocalisations par les sociétés minières COMMUS et Boss mining (filiale d’Eurasian Natural Ressources PLC). Malgré l’investissement de l’État dans ce processus, les mécontentements persistent. A chaque délocalisation, certains réclament plus de fonds pour leurs biens (maisons, arbres fruitiers, etc.) estimés sous-évalués.
Or, selon Christophe Kabwik, qui a longtemps défendu la cause des habitants de Kalukuluku proches de la mine de Ruashi mining, à l’est de la ville de Lubumbashi, les miniers n’apprécient pas autant d’organiser la réinstallation des personnes appelées à quitter leurs sites. Aidée par la maire adjointe de la ville en 2006, Ruashi Mining avait rejeté l’option de la réinstallation de quelques 200 candidats, qui l’avaient demandée. La raison, pour Kabwik, tient au fait que les sociétés minières préfèrent payer moins en donnant du cash, plutôt que de bâtir de nouvelles maisons...