France: 8 ans après son adoption, l'application de la loi sur le devoir de vigilance jugée 'très insuffisante'
" 8 ans après le devoir de vigilance, les multinationales s’enfoncent encore" 26 mars 2025
En difficulté pour l’un, vidé de sa substance pour l’autre, les devoirs de vigilance français et européen sont en danger. Pourtant, ces législations qui se voulaient pionnières n’ont jamais été autant nécessaires, en particulier pour contrer l’expansion néfaste de l’industrie extractive. Le 27 mars 2017, le Parlement français adoptait la loi sur le devoir de vigilance, après des années de mobilisation de la société civile. Une première mondiale, mais aussi une belle victoire pour les ONG du Forum citoyen pour la Justice économique coordonné par le CCFD-Terre Solidaire, engagées depuis longtemps sur ce sujet. La loi sur le devoir de vigilance impose aux grandes entreprises françaises de plus de 5 000 salariés en France un devoir de vigilance sur leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Ces entreprises ont l’obligation d’établir, de publier et de mettre en œuvre un plan de vigilance pour identifier et prévenir les risques qu’elles font peser sur les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, les droits humains et l’environnement.
Le devoir de vigilance est également un levier judiciaire pour engager la responsabilité civile des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations et pour faire cesser toute atteinte aux droits humains ou à l’environnement.
Parmi les affaires en cours, nombreuses sont celles qui visent des multinationales se consacrant à l’extractivisme, c’est-à-dire à l’exploitation à grande échelle de territoires et de ressources naturelles, bien souvent situés dans les pays du Sud. En voici quelques exemples.
Total Energies et les expropriations forcées
En 2019, plusieurs associations saisissent la justice dans le cadre d’un mégaprojet pétrolier en Ouganda. C’est la première action en justice sur le fondement de la loi française sur le devoir de vigilance. Les associations reprochent à Total Energies l’expropriation de plusieurs dizaines de milliers de personnes de leurs terres et de leurs habitations, mais aussi des risques significatifs pour la biodiversité et pour le climat.
EDF et la non-consultation des communautés locales
En 2020, une plainte a été déposée en France contre EDF en raison de son projet de parc éolien sur les terres de la communauté autochtone d’Unión Hidalgo au Mexique. La communauté n’a pas été correctement consultée au préalable, ce qui constitue une violation flagrante de ses droits fondamentaux, alors même qu’une étude d’impact environnemental indiquait que le projet pouvait affecter négativement les terres et ressources naturelles qui lui
Carrefour et la pêche intensive
Mi-mars, les associations Bloom et Foodwatch ont porté plainte contre Carrefour pour manquement à son devoir de vigilance dans sa filière thonière, pointant du doigt “les atteintes environnementales et humaines de l’industrie du thon tropicale”.
Ces différents cas sont révélateurs de l’impact de l’industrie extractive sur l’environnement et les populations, mais aussi de l’étendue des ressources naturelles qui sont exploitées : minerais, hydrocarbures, terres, faune, flore… Peu de territoires sont à l’abri de la menace extractive et un devoir de vigilance efficace est un instrument important pour mettre fin à l’impunité des multinationales. 8 ans après l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance en France, la partie n’est pas gagnée. Son application reste très insuffisante et trop peu d’entreprises se conforment réellement à leurs obligations. Les recours en justice sont longs et complexes, laissant les victimes sans protection solide en attendant.