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Article d'opinion

25 sep 2025

Auteur:
Oliver Holland, Partner, Leigh Day

Au-delà des frontières : Pourquoi les tribunaux doivent tenir les entreprises responsables de l’exploitation des travailleurs migrants

Les multinationales sont de plus en plus tenues responsables de violations des droits de l’homme dans leurs chaînes d’approvisionnement. Pourtant, les travailleurs migrants - souvent la pierre angulaire invisible de la production mondiale - sont encore confrontés à des entraves majeures en matière de justice. Bien que certains tribunaux soient réceptifs, une réforme systémique est nécessaire pour s’assurer que cette réceptivité demeure.

Des fermes en Espagne aux usines en Malaisie, les travailleurs migrants sont confrontés à de longues heures de travail, des conditions d’insécurité, de la rétention salariale et des menaces de représailles. Ces abus ne sont pas limités aux pays du Sud Global - ils surviennent également dans des juridictions comme le Royaume-Uni, en particulier dans les fermes qui approvisionnent les hypermarchés.

Malgré l’ampleur de l’exploitation, la responsabilité juridique demeure un vœu pieu. Les entreprises se cachent derrière des structures organisationnelles complexes, prétendant que la responsabilité incombe aux fournisseurs ou prestataires étrangers. Mais les dernières nouvelles concernant les procès remettent en question ce discours.

Changements sur le plan juridique : Tenir les maisons-mères responsables au Royaume-Uni

Dans des affaires qui ont fait date au Royaume-Uni (Vedanta v Lungowe [2019] et Okpabi v Royal Dutch Shell [2021]), les tribunaux ont jugé que les maisons-mères peuvent être tenues responsables de dommages causés par leurs filiales à l’étranger - en particulier lorsqu’elles exercent un contrôle sur les opérations. Ces décisions ont ouvert la voie au dépôt de plaintes contre des entreprises transnationales par des communautés et travailleurs concernés.

Dans l’affaire Limbu & Autres v Dyson Technology Ltd & Autres [2024] la Cour d’appel a autorisé la poursuite des plaintes des travailleurs népalais et bangladais auprès des tribunaux anglais pour des faits allégués d’exploitation au travail et de travail forcé dans une usine malaisienne qui approvisionne Dyson. La décision du tribunal traduit une ouverture judiciaire grandissante permettant aux travailleurs migrants de recourir à la justice auprès des tribunaux anglais en tenant les entreprises britanniques responsables des abus au sein de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales.

De même, dans l’affaire Josiya et Autres v British American Tobacco & Autres [2021], la Cour d’appel a autorisé 10.000 fermiers du Malawi cultivant du tabac à déposer des plaintes contre BAT et Imperial Tobacco au Royaume-Uni pour des faits allégués de travail forcé et de travail des enfants dans leur chaîne d’approvisionnement au Malawi. L’affaire démontre que les tribunaux anglais peuvent servir de forum pour rendre justice dans les plaintes transnationales relatives aux droits de l’homme.

Dans l’affaire Begum v Maran [2021], la Cour d’appel a jugé qu’une entreprise britannique pourrait sans doute avoir un devoir de vigilance à l'égard des travailleurs de l’industrie de la démolition navale bangladeshi en relation avec la vente d’un navire pour les conditions dangereuses dans lesquelles les travailleurs démantèlent le navire. Cette affaire illustre davantage la portée étendue de la responsabilité des entreprises en vertu de la loi anglaise sur la responsabilité civile et comment cela s’applique aux travailleurs dans des conditions d’abus à l’étranger.

Ces affaires dénotent collectivement un changement dans les attitudes des acteurs judiciaires au Royaume-Uni. Mais, ce changement ne se limite pas aux tribunaux britanniques ; d’autres juridictions expriment de plus en plus la volonté d’enquêter sur l’impact dans le monde réel des opérations d’entreprise et permettent aux travailleurs migrants d’avoir accès au recours juridique.

En Afrique du Sud, les propriétaires d’une usine de fabrication de fibre de coton visés par plus de 100 chefs d’inculpation, dont celle de traite d’êtres humains, et de violations du droit du travail, ont été condamnés pour des violations des droits de l’homme impliquant des travailleurs migrants maliens sans papiers. En France, trois personnes ont été emprisonnées pour traite d’êtres humains dans l’industrie du champagne, du fait de l’exploitation surtout de plus de 50 travailleurs migrants saisonniers sans papiers.

Pour les avocats et militants, ces succès constituent des précédents majeurs en vue de soutenir les plaintes au nom de travailleurs et communautés vulnérables.

Entraves à la justice

Malgré ces avancées juridiques, les travailleurs migrants continuent de faire face à des entraves. Les contestations de compétence juridictionnelle sont habituelles, avec les entreprises qui soutiennent que les plaintes devraient être entendues dans le pays où le préjudice est survenu — même lorsque les systèmes juridiques locaux sont faibles ou hostiles aux droits des travailleurs.

De plus en plus, le recours est fait à des procès pour poursuites-bâillons (SLAPP) afin d’intimider les plaignants et leurs avocats. Ces tactiques - souvent en utilisant des plaintes pour diffamation sans fondement ou des retards de procédure - peuvent épuiser les ressources et réduire au silence les voix discordantes. En Asie du Sud et du Sud-Es où plusieurs chaînes d’approvisionnement mondiales ont leur siège, les lois relatives au délit de diffamation font des poursuites-bâillons des outils particulièrement dangereux entre les mains des acteurs de l’entreprise.

Ce qui doit changer

Une réforme juridique et législative est essentielle pour rendre la justice accessible aux travailleurs migrants. Les étapes clés comprennent :

  • Le renforcement de la législation en matière de responsabilité de la chaîne d’approvisionnement pour tenir les multinationales responsables.
  • La mise en œuvre de la directive de l'UE sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (EU CSDDD) pour rendre obligatoire le devoir de diligence en matière de droits de l’homme dans les états membres de l’UE.
  • L’élaboration d’une loi relative à un devoir de diligence obligatoire en matière de droits de l’homme au Royaume-Uni et ailleurs.
  • L’amélioration de l’accès à la justice dans les pays où le préjudice survient.
  • La promulgation d’une législation contre les poursuites bâillons pour protéger les travailleurs et les militants.

L’adoption de la directive CSDDD de l’UE est une étape importante en vue de rendre la justice plus accessible aux travailleurs migrants. Cependant, puisqu’il y’a des réticences qui menacent les dispositions clés et qui peuvent empêcher la mise en œuvre, il est crucial que le Royaume-Uni et les autres pays aillent vers l’adoption de cadres similaires pour faire progresser la responsabilité des entreprises, comme nous le constatons déjà en Thaïlande, Colombie et Corée du Sud. Une législation relative à un devoir de diligence obligatoire en matière de droits de l’homme offre une base juridique pour tenir les entreprises responsables du traitement des travailleurs migrants dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Conclusion

Les travailleurs migrants sont essentiels aux chaînes d’approvisionnement mondiales et locales. Pourtant, ils demeurent les plus vulnérables à l’exploitation. Les avancées sur le plan juridique, comme souligné dans les affaires ci-dessus, montrent que certains tribunaux sont de plus en plus enclins à combattre l’impunité des entreprises. Mais pour que la justice soit plus qu’une possibilité, elle doit être accessible - à travers des lois fortes, un soutien de meilleure qualité et un engagement en faveur de la responsabilité des entreprises.

Avis de non-responsabilité :  Le présent article discute des développements dans les procès et allégations faites dans un litige en cours. Aucune conclusion de responsabilité n’est faite. 

Oliver Holland est un avocat britannique dont les domaines d’intérêt couvrent le préjudice environnemental, les droits de l’homme et l’esclavage moderne y compris l’expertise en litiges transfrontaliers.